ÉLOGE
DE LA DÉAMBULATION
À pas
non comptés,
le
piéton solitaire connaît l'art de la boucle.
De chez lui à chez lui :
même départ, même destination.
Mais combien de délicieux détours,
de sublimes divagations...
De l'aube
au crépuscule,
insomniaque ou noctambule,
il est pris de fièvre déambulatoire.
Le voilà
seul, marchant dans la rue :
son allure est régulière,
ses itinéraires instantanés,
ses horaires fluctuants.
Il va,
simplement, avec un digne laisser-aller
et un sens aigu de l'orientation.
Sur le
bitume, aucune empreinte,
Le voilà bientôt sans nom, sans distinction.
À chaque
enjambée, un détail est effacé,
car c'est la rue qui le vide et va le rassasier.
Le piéton
solitaire a une mémoire extraordinaire,
un don d'oubli élémentaire.
Il voit tout, sent tout, entend tout,
saisit un parfum, gobe un juron,
grave en soi le mur crépi d'un ministère.
Et quand
il aura marché tout son saoul,
rentrera gavé, ivre de mystères,
ainsi que bien d'autres piétons solitaires.