VIRGULE
Quel est cet animalcule qui pendule ? Ben quoi, c'est la virgule. Comme on change de pied pour la danse, elle bat le rythme de la phrase pour nous emmener en balade et nous offrir, le temps d'un cillement, un point de vue complice. Toute ponctuation, et plus particulièrement celle qui, comme la virgule, marque la pause la plus brève et le plus court espacement, a pour but de maintenir le souffle de l'action, d'organiser une "spatialisation du temps".
Jacques Drillon, dans son Traité de la ponctuation française, estime que de tous les signes, la virgule est "le plus intéressant, le plus subtil, le plus varié". Je ne le contredirai pas ; en effet, pour les besoins de son petit drame personnel et sa propre dynamique, chaque écrivain a pour mission d'exploiter ses nombreux ressorts et de réunir les meilleures conditions de son articulation. Quand il est en bonne voie, l'auteur y prête sa voix, la nature de son humeur et son sens de la marche. Et si le texte pouvait se lire en relief, ses signes de ponctuation montreraient les nivellements de terrain, avec, à tout moment du parcours et de ses jalonnements, un état physiologique et géodésique de la situation, ses frémissements, sa secrète palpitation. Parmi les signes, la virgule est sans conteste le meilleur organe locomoteur : ainsi qu'un muscle, elle possède des propriétés qui assurent au corps du texte une élasticité et tonicité indispensables, lui conférant au final une juste plasticité...

ABÉCÉDAIRE DE CRABE VERT, extrait © Rémy Leboissetier / Laurent Freyss (photo)
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