"On ne se baigne pas deux fois dans le même abricot".
Marcel Havrenne, Du pain noir et des roses.

Cher Ourson rieur,

Vous aimez l'abricot en confiture ; je l'aime en chair et en jus, au point de parfaite maturité, dans l'état de succulence qui caractérise les fruits à noyau : pêche, brugnon, prune, cerise... Il est à croire que l'abricot muscat qui faisait la fierté de ce village d'Abricotanie où nous vivions alors offrait un tel délice, mais pour avoir entendu souvent parler de ce fruit quasi mythique, je ne me rappelle pas y avoir goûté réellement. Il est vrai qu'à la période, les abricotiers de ce type avaient été supplantés par des variétés donnant des fruits plus fermes et robustes, mieux adaptés aux conditions de transport des marchandises ou plus directement destinés aux usines de conserverie [...]

[...] Qui dira le radis, cher Ourson, en naturelle simplicité et vraie sympathie ? Qui dira son semis facile, sa germination rapide, sa maturité accélérée ? Pour le radis la vie est courte, elle est même de celle que volontiers on écourte. En effet, sa fermeté et la fraîcheur nous tiennent à cœur, parce qu'on ne saurait supporter l'état de tristesse du radis ridé, ramolli. Qui dira le radis avec respect, sans flagornerie ? Qui éclairera son existence souterraine, protégera sa sphère intime ? Qui honorera sa racine pivotante, sa queue sacrificielle ? Qui dira le radis, ses joies et ses peines, l'ennui de ses graines ensachées au rayon des jardineries ? De sa culture en pouponnières, de sa chair maraîchère ? Qui dira le radis, que les Grecs dédiaient à Apollon et que le calendrier républicain fêtait au dix-neuvième jour de Germinal ? Radis, un tiers de paradis – lumineux légumineux...


ABÉCÉDAIRE D'OURSON RIEUR , extraits
© Rémy Leboissetier, auteur-éditeur, 2022



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